TPO : test de provocation orale des aliments
Véritable problème de santé publique, les allergies alimentaires impactent fortement le quotidien des personnes qui en souffrent ainsi que celui de leur famille. Le traitement des allergies alimentaires, principalement fondé sur l’éviction des allergènes, entraîne fréquemment des difficultés en lien avec la vie en collectivité. Mais il génère également souvent des conséquences psycho-sociales néfastes aux individus : sentiment d’insécurité, d’isolement, d’incertitude et de frustration, pour ne citer qu’eux1.
Au delà de ces aspects essentiels, centrés sur le patient, on ne peut pas non plus ignorer les répercussions des pathologies allergiques sur le système de santé et sur les dépenses de santé.
D’où la nécessité, pour une prise en charge efficiente des allergies alimentaires, un diagnostic précis, reposant sur des critères fiables, s’impose. Pour cela, les allergologues comptent dans leur attirail un précieux outil, le test de provocation orale aux aliments (TPO), sur lequel reposent les espoirs de nombreux allergiques aspirant à une qualité de vie acceptable pour eux. Ce dossier va vous permettre d’en savoir un peu plus sur cet allié des allergologues et des patients.
Le TPO aux aliments, c’est quoi ?
Test d’ingestion d’un aliment, le TPO, permet aux allergologues de connaître la quantité d’aliment qui déclenche les symptômes ainsi que leur nature et chronologie. C’est une sorte de “reconstitution” en milieu hospitalier de l’événement allergique.
Ce test vient en complément des autres outils diagnostic que sont les tests cutanés (prick-tests, patch tests) et les tests sanguins (dosage des anticorps IgE - immunoglobulines de classe E dites spécifiques).
Pourquoi faire un TPO ?
Les TPO sont utilisés dans plusieurs situations. Il est à retenir que les TPO, quelles que soient leurs formes, ne constituent pas la base du diagnostic de l’allergie alimentaire mais bien qu’ils font partie des diverses étapes de prise en charge et d’évaluation à disposition des spécialistes. Les informations fournies par les TPO permettent notamment d’évaluer le risque encouru lors d’une consommation accidentelle de l’aliment. Il permet également, et c’est très important, de guider les mesures thérapeutiques comme le degré d’éviction et la composition de la trousse d’urgence.
Ils sont employés à des fins diagnostic :
- en cas de suspicion d’allergie pour laquelle il y a discordance entre les résultats du bilan allergologique (prick-test, bilan sanguin) et les signes cliniques. Exemple : le patient rapporte une réaction allergique avec un aliment mais le bilan allergologique se révèle lui négatif ou faiblement positif ; autre cas, avec une situation inverse, le cas où le bilan allergologique est positif pour un aliment mais pour lequel le patient a peu ou pas de signes cliniques de réactions allergiques.
- en cas de sensibilisation à des aliments a priori jamais consommés : permet de tester en milieu sécurisé la réalité clinique de l’allergie. Dans ce cas de figure, le TPO s’envisage pour éviter des évictions alimentaires “de principe” contraignantes et non nécessaires ;
- en cas de manifestations retardées, de type dermatite atopique sévère ou de manifestations digestives sévères.
Les TPO sont aussi utilisés pour évaluer une tolérance et rechercher un seuil réactogène.
La tolérance se vérifie notamment dans les cas d’évolution naturelle des allergies (Cf. tableau ci-après), pour contrôler la guérison. On parle alors de test de réintroduction.
Lorsque les manifestations sont sévères ou que les réactions allergiques se déclarent pour de très petites doses, là encore, le TPO est un outil précieux pour bien guider les patients, permettant de savoir quelle dose est tolérée.
Allergies alimentaires | Acquisition de tolérance naturelle |
---|---|
Lait de vache | 80-85% à 3-4 ans |
Œuf | 65-80 % à 5 ans |
Arachide | 18-22 % à 5 ans |
Blé | 59 % à 4 ans |
Juchet A. Rev Française d’allergologie 2003
Très utiles pour assouplir un régime d’éviction stricte ou en amont d’une désensibilisation à un aliment, les TPO permettent de rechercher, chez un individu allergique, la dose minimale d’aliment qui peut lui déclencher une réaction allergique ; on parle alors de seuil réactogène. Ainsi définie, la valeur de ce seuil guidera les orientations thérapeutiques du médecin et la prise en charge qui sera proposée au patient : possibilité de consommer les traces de cet aliment présentes dans les aliments pré-emballés, évaluation du risque en cas d’écart de régime d’éviction ou encore étude de faisabilité de mise en place de protocoles d’induction de tolérance ou de désensibilisation.
Il est à noter que cette valeur seuil a ses limites. En effet, les doses administrées étant relativement rapprochées les unes des autres, il est parfois compliqué de savoir si la réaction est due à la dernière dose ou à la somme des doses prises.
Ça se déroule comment ?
Des finalités des TPO évoquées précédemment découlent les modalités de mise en oeuvre : le principe général est de proposer l’aliment à tester sous une forme de consommation courante et sous la forme ayant déclenché la réaction. Cet aliment, broyé, est mélangé à une “matrice”, support alimentaire pour masquer l’aliment à tester (compote par exemple).
Le plus souvent, différentes doses seront administrées au patient “à l’aveugle”, c’est à dire sans qu’il sache qui contient quoi : doses placebo ne contenant que la matrice ou doses avec matrice + aliment réactogène. L’aliment est consommé à des doses qui vont du milligramme au gramme. Il existe divers types de protocoles, avec des rythmes d’administration variés. Les doses sont progressivement croissantes en l’absence de manifestations. Elles sont généralement doublées jusqu’à obtention de la dose finale.
S’agissant de la durée, elle est variable selon le type de TPO mais le délai entre 2 doses est souvent compris entre 15 à 30 min. La durée totale du TPO se déroule habituellement sur une journée ; dans certains cas 2 jours peuvent être nécessaires.
Les tests de provocation par voie orale se déroulent sous surveillance d’un médecin, à l’hôpital, où l’anaphylaxie (forme la plus sévère de réaction allergique) peut être rapidement traitée si elle survient.
Selon les cas, l’hospitalisation sera de jour, rentrée le matin/sortie l’après-midi ou le soir, ou sur une courte durée pour certains protocoles.
Ils sont parfois couplés à un effort (réaction induite par un effort).
A qui s’adresse les TPO ?
Les TPO sont le plus souvent envisagés dans les cas d’allergie alimentaire persistante pour des allergènes de consommation courante (lait, œuf, blé), et pour les patients à haut risque d’allergie sévère et persistante (arachide, noisette) avec une forte sensibilisation.
Références :
AR101 Oral Immunotherapy for Peanut Allergy. (2018).
New England Journal of Medicine, 379(21), 1991‑2001.
https://doi.org/10.1056/nejmoa1812856
Déclaration publique relative aux allergies. (2013). Consulté à l’adresse :
http://www.eaaci.org/attachments/131119%20EAACI%20Allergens%20Brochure%20FRANCES.pdf
Drouet, M. (2014). Allergies alimentaires : évaluation du risque, intérêt des seuils réactogènes.
https://www.elsevier.com/fr-fr/connect/medecine/allergies-alimentaires
Hoppé, A. (2017). Comment choisir les modalités du Test de Provocation par voie Orale ? http://www.congres-allergologie.com/2017-5656
Rancé, F., & Deschildre, A. (2006).
Test de provocation par voie orale aux aliments chez l’enfant. Quand, pour qui et comment?
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0335745706002024
Rubrique psycho-allergo - AFPRAL. (2018). Consulté à l’adresse
https://allergies.afpral.fr/vivre-avec/rubrique-psycho-allergo
1 - Enquête APPEAL Aimmune (Allergy to Peanuts ImPacting Emotions And Life-1), 2017
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